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directeur·rices de collection

Le·la directeur·rice de collection a pour mission principale de définir et de piloter la stratégie éditoriale d’une ou plusieurs collections de livres, en cohérence avec la ligne éditoriale globale de la maison d’édition. Ses principales responsabilités sont les suivantes :

  • définir la ligne éditoriale de la collection : en fonction des tendances du marché, des attentes des lecteur·rices et de la stratégie de la maison d’édition. 
  • sélectionner les manuscrits qui seront publiés dans sa collection. Iel lit et évalue les propositions d’ouvrages, rencontre les auteur·rices, et prend la décision de publier ou non le livre.
  • suivre l’évolution du livre (son processus de fabrication, sa promotion, etc). Iel travaille en étroite collaboration avec le service marketing et commercial pour élaborer des stratégies de vente, de communication et de diffusion (participation de l’auteur·rice à un festival, rencontre avec la presse…).

Certaines maisons d’édition peuvent confier à des auteur·rices la direction de collections, souvent pour leur offrir une opportunité de revenus supplémentaires. Cette pratique peut être perçue comme un moyen de pallier à la précarité économique à laquelle de nombreux·ses auteur·rices font face. Toutefois, cette solution soulève plusieurs problématiques, notamment en termes de conditions de travail et de rémunération.

le statut des directeur·rices de collection

Les auteur·rices, lorsqu’iels prennent la direction de collections, restent généralement sous statut d’indépendant·e, ce qui ne leur confère pas les protections sociales associées au salariat. Cette situation illustre une forme d’« ubérisation » dans le secteur éditorial, où des tâches structurelles sont externalisées vers des auteur·rices sans contrat de travail formel. Ces pratiques sont parfois perçues comme une stratégie économique pour réduire les coûts, tout en exploitant la flexibilité des auteur·rices qui acceptent ces rôles pour diversifier leurs sources de revenus dans un contexte de forte précarité du métier d’écrivain​·e.

Bien que cette pratique puisse soutenir certain·es auteur·es, elle illustre aussi les limites du modèle économique actuel dans l’édition et les enjeux liés à la reconnaissance et la protection sociale des auteur·rices.

les directeur·rices de collection et le Code de la sécurité sociale

Du point de vue du droit de la sécurité sociale, le·la directeur·rice de collection a pu rencontrer quelques difficultés, car la rémunération versée en contrepartie de la conception et l’animation d’une collection éditoriale originale soulevait des questions quant à sa qualification juridique. 

Longtemps, l’Agessa (Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs – aujourd’hui remplacée par la Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs) acceptait, sous réserve d’un examen, « le directeur de collection, dont le niveau de participation intellectuelle à la création des œuvres, est suffisamment établi ». Toutefois en 2017, l’organisme de sécurité sociale décida dans une note qu’un rattachement n’était plus permis. Une lettre ministérielle accorda alors aux éditeur·rices un délai pour se mettre en conformité, lettre suspendue par le Conseil d’État en attendant d’évaluer le bien-fondé de l’extension du régime (CE, réf., 7 nov. 2018, n° 424479) suite à une requête du Syndicat national de l’édition (SNE).

Hasard du calendrier, la Cour de cassation était aussi saisie pour un cas de redressement social d’une maison d’édition travaillant avec des directeur·rices de collection (Cass. 2e civ., 10 oct. 2019, n° 18-17.877). À cette occasion, elle censurait la cour d’appel de ne pas lui avoir permis de vérifier si les directeur·rices de collection étaient salarié·es, rappelant par la même occasion que les directeur·rices de collection qui ne sont pas « auteur·rices » ne peuvent être payé·es en droits d’auteur. Le Conseil d’État décida quelques jours plus tard que « les directeurs de collection ne sont susceptibles d’entrer dans le champ de ce régime que dans la mesure où leur activité permet de les regarder comme auteurs ou coauteurs des ouvrages de la collection qu’ils dirigent » (CE, ch. réunies, 21 oct. 2019, n° 424779). La demande d’annulation du Syndicat national de l’édition (SNE) était donc rejetée.

Finalement, un décret du 28 août 2020 a intégré la rémunération de cette catégorie de travailleur·es dans les revenus artistiques principaux pouvant être soumis aux cotisations sociales du régime artistes-auteurs.

Mais rien n’est vraiment réglé et il reste toutefois un risque de redressement social dès lors que dans les faits, le·la directeur·rice de collection occupe un poste présageant un lien de subordination. Le décret ne suffira donc pas à protéger les éditeur·rices qui déclareront à tort des rémunérations au régime « artistes-auteurs », alors qu’iels auraient dû les déclarer en tant que salaires tombant dans l’assiette du régime général (lequel est accessoirement plus coûteux).

La circulaire du 12 janvier 2023 relative aux revenus tirés d’activités artistiques relevant de l’article L. 382-3 du code de la sécurité sociale est venue apporter une précision : “La conception et l’animation d’une collection éditoriale constitue une activité originale qui peut être formalisée par une bible ou tout document énonçant avec précision les caractéristiques essentielles formant l’identité de la collection. Le nom du directeur de collection est associé à la collection”.

les questions à se poser pour vérifier son statut

Cela soulève donc la question du cumul des deux critères : il faut à la fois “concevoir” et “animer” la collection, car la notion d’originalité renvoie à “l’activité” laquelle peut-être formalisée par une bible qui décrit la manière dont la collection a été conçue. Dans ce cas, il semble que la notion doit renvoyer à la conception et à l’animation de la collection. Cela questionne donc : peuvent-être déclarées les sommes versées au·à la directeur·rice de collection qui n’a pas conçu, mais a été sélectionné·e pour prendre la suite d’une direction préexistante ? 

Du reste, rappelons que le fait de diriger une collection implique une régularité et soulève la question de la subordination.  En somme, il faut se poser deux questions : suis-je celui·celle qui a conçu et qui anime la collection ? Et le cas échéant, ne suis-je pas d’une certaine façon dans un lien de subordination ? Ces deux réponses détermineront si le·la directeur·rice de collection entre dans le régime social des artistes-auteur·rices.

Article rédigé par Stéphanie Le Cam, maître de conférence en droit privé, directrice de la Ligue des auteurs professionnels et de l’Institut des sciences sociales du travail de l’ouest (ISSTO), janvier 2025, dans le cadre de la formation Développer son activité d’artiste dans le domaine du livre – à venir en 2025 sur la plateforme artist for ever.